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n° 18 Boukoumbe - Camps - Chantier

Chers Amis,

Au nord Bénin, le confinement est très relatif. Quasiment personne ne porte le masque, mais il est vrai que -par bonheur- le virus ne circule pas.

Aussi voici une petite lettre qui vous permettra de voyager au moins par la pensée et par le cœur.

Juin 2020


Les frontières du Bénin étant fermées, j’en ai profité pour retourner plus au nord dans la région de l’Atacora et plus particulièrement à Boukoumbé où se trouve l’ethnie ditamari.

L’ensemble du Bénin est tout plat (comme presque toute l’Afrique de l’Ouest) sauf dans sa partie nord où émerge la chaine de montagne de l’Atacora qui monte glorieusement jusqu’à 600 m.

Quel bonheur de voir enfin un peu de relief !



Cette petite ville perdue au nord du Bénin et près de la frontière du Togo a la particularité d’être la ville natale de l’archevêque de Parakou Monseigneur Pascal N’Koué.

Ce dernier raconte qu’enfant il admirait le prêtre missionnaire qui desservait la paroisse et que celui-ci est à l’origine de sa vocation « je veux être un prêtre comme ça ! »

Ce prêtre ne ménageait pas sa peine et avait des manières très volontaristes : tous les dimanches à la messe, il comptait ses paroissiens, puis partait faire le tour des cases du village pour demander une justification aux absents.

Prédicateur de retraite de Saint Ignace, il imposait au chef du village de suivre les exercices pour que - par l’exemplarité - les autres fidèles suivent ces retraites.

Ce prêtre missionnaire est, je crois, toujours vivant et réside à Caussade. Il s’agit du Père Jean-Jacques Marziac. La providence a voulu qu’à l’âge de 18 ans, je suive ma première retraite de Saint-Ignace avec lui. Je me rappelle encore ses prédications enflammées qu’il émaillait de toutes ses histoires de missionnaire.


La saison des pluies commence juste, et tous les villageois sont au champ. Il va pleuvoir encore tous les mois de juillet, d’aout et septembre et un peu en octobre. Après, ce seront de nouveau huit mois de sécheresse. Chacun profite de ce temps béni pour mettre en terre le maïs, le sorgho, le fonio, les arachides, le riz et le mil.


Je profite du passage de Marie-Liesse et Matthieu Beth ; un couple de français en mission Fidesco à Banigbe au sud-bénin, pour organiser une petite visite guidée de Boukoumbé.

Le lien pour découvrir la mission de Marie-Liesse et Matthieu Beth https://www.fidesco.fr/volontaires/beth-matthieu-marie-liesse.html

A la suite de plusieurs familles de volontaire, ils ont fait à Banigbé au Sud-Bénin un travail magnifique.

La guide est hyper dynamique et a mille histoires à raconter sur la culture ditamari.

Nous passons d’abord au cimetière traditionnel. Nous n’avons pas le droit de nous en approcher pour ne pas déranger les ancêtres et les fétiches. Au-dessus des tombes sont posées de grandes vasques retournées. Au bout d’un temps donné, on brise le sommet de la vasque pour signifier que l’âme a rejoint les ancêtres.


Près du cimetière se trouvent les baobabs sacrés ; l’un masculin, l’autre féminin.


Nous sommes conduits jusqu’au baobab « féminin » creux. Un gardien veille. Nous avons le droit d’entrer et de nous coller sur les parois intérieures du baobab pour nous resourcer en énergie positive. La symbolique est simple : nous sommes dans le ventre de la « baobabe » sacrée.


Le baobab a de très jolies fleurs et des fruits imposant.


La guide nous explique que les petites filles cueillent les fleurs pour en faire de jolies poupées en les retournant. Cela donne une tête assez chevelue et un magnifique jupon.


Mais ce qui est propre aux ditamaris est leur habitat traditionnel ou Tata Somba.

Patrimoine mondial de l’Unesco, le Tata Somba est un habitat unique au monde que l’on ne retrouve qu’au nord-ouest du Bénin et dans sa partie frontalière avec le Togo. C’est une construction traditionnelle à des fins de protection, de résistance contre les ennemis et les bêtes sauvages.

Il s’agit d’un petit château en terre battue. En bas se trouvent la cuisine et une grande salle qui permet d’enfermer le bétail pendant la nuit. Sur le toit se trouvent les chambres et les greniers.

Cependant les ditamaris délaissent de plus en plus cet habitat pourtant très lié à toutes leurs cérémonies traditionnelles telle que les initiations des adolescents, les mariages etc. Ils vivent de plus en plus dans une maison moderne - 4 murs, un toit en pente. Les deux habitations se côtoient souvent. On sent le déchirement entre une culture traditionnelle très riche et les facilités qu’offre la modernité.


Ce sont les femmes qui nous accueillent pendant que les hommes sont aux champs. Quatre générations vivent ici.

L’arrière-grand-mère fabrique son fil de coton ; la jeune fille a sorti pour nous la parure traditionnelle pour les danses : elles sont belles les gazelles.


Un vieux est venu nous saluer.


Juste à l’entrée du Tata Somba un espace est réservé pour moudre à la main la farine. Les graines sont tout simplement écrasées avec une pierre réservée à cet usage.


Puis en rentrant dans la grande salle du bas, nous nous retrouvons devant « l’oratoire » familial où sont accrochés tous les fétiches.


Montés sur le toit nous admirons les chambres « spacieuses ».


Il faut être assez souple pour s’y glisser.


Des greniers permettent de conserver les récoltes.

Il y en a un pour le papa et un pour la maman.


Devant le Tata Somba veillent les ancêtres représentés par ces monticules coiffés d’un bol.


Les femmes nous font une démonstration de fabrication du beurre de karité

Après avoir décortiqué et séché l’amande de karité, on la torréfie.


Puis on l’écrase pour en faire une pâte.


On mélange cette pâte avec de l’eau et, au bout d’un moment de barattage, une substance blanche émerge : c’est le beurre de karité qu’il faudra encore chauffer légèrement et filtrer pour en retirer les impuretés.


Le jus marron et graisseux résiduel est jeté sur la paroi du Tata Somba pour en favoriser l’isolation.


Juillet 2020

La plupart des camps de jeunes ont été annulés les parents ne voulant pas confier leurs enfants par peur de la Covid.

Cependant nous arrivons à maintenir le camp de formation pour les chefs scouts.


A l’issue des dix jours chacun reçois une attestation du stage de formation.


Quelques jeunes sont venus pour passer leur promesse.

C’est un peu le problème de l’organisation du scoutisme où tout est centralisé au niveau diocésain. Les enfants ne prononcent pas leur promesse dans leurs unités respectives mais à un « camp-promesse » diocésain.

Avec les chefs nous travaillons à remettre en place le système des patrouilles et des unités.


Quelques louveteaux du village nous on rejoint à la fin du camp pour faire l’animation.



Aout 2020

Un brave homme, familier du monastère est décédé brusquement. Les funérailles ont eu lieu au monastère et le cercueil a été porté en terre sur le terrain alentour.

Un cercueil tout simple, un trou creusé dans la terre nous rappelle que nous sommes que de passage sur cette terre. Notre Père nous attend au Ciel.



L’Ecole de Foi

Voici la deuxième année où nous organisons l’Ecole de Foi, période de dix jours de formation spirituelle, intellectuelle, humaine, tout cela dans la joie.

Cours sur la géographie et la chronologie biblique.

Procession mariale aux flambeaux …

… qui se termine en dansant et en acclamant la Sainte Vierge


Des repas typiques dans une ambiance chaleureuse et confiante.


Inspiré par l’encyclique Laudato-Si, une soirée de louange et de prière en action de grâce pour toute la Création.

Nous assistons à ce moment toujours magique du coucher de soleil.


Explication des ornements de la messe : l’amicte.


Les tâches quotidiennes : ici pas de boites de conserves ni de surgelé. Avant le camp nous achetons les sacs de grain que nous trions, écrasons pour en faire de la farine.

Un jeune a eu besoin d’une grande bassine contenant des haricots. Très consciencieusement il a versé le contenu dans une autre bassine où se trouvaient d’autres grain … de maïs, mais il n’a pas vu la différence. Il a fallu tout retrier. C’est un peu l’histoire de Cendrillon.


Trois petites histoires sur ce camp :

1/ Les jeunes ne concevaient pas qu’un prêtre fasse la vaisselle ! Il a presque fallu que je me batte pour avoir le droit de la faire. Au bilan final du camp plusieurs ont marqué leur étonnement pour cette chose si simple. Merci à mes parents et au scoutisme qui m’ont appris à participer à la vie de groupe alors qu’il serait si facile de se faire servir.


2/ Une jeune fille du camp tombait dans les pommes toutes les demi-journées. Un peu inquiet, je la conduis à l’hôpital le troisième jour. Le temps de route lui permet de me raconter toute sa vie : abandonnée par ses parents, violences, solitude … et grande colère contre son père.

A l’hôpital je prends tout en charge, retour au camp.

Le lendemain nous avions une soirée « pardon » où l’on demande la grâce particulière de pardonner à une personne qui nous a profondément blessé. Une gestuelle est accomplie à la fin : il s’agit d’aller les uns vers les autres en demandant pardon ou en donnant le pardon. A un moment la jeune fille va en pleurs vers un grand garçon et lui dit avec beaucoup d’émotion « papa je te pardonne ». Il personnalisait son père.

Et le beau cadeau tout simple à la fin du camp au moment des remerciements et témoignage : « J’étais vraiment fâché contre mon père, et puis l’aumônier m’a conduit à l’hôpital, a tout payé, a pris soin de moi. C’est la première fois que quelqu’un faisait cela pour moi. J’ai compris ce que pouvait être l’amour d’un père. Grâce à cela, j’ai pu pardonner à mon papa.

C'est là qu'on réalise qu'un simple geste de charité presque anodin peut toucher profondément le cœur.

3/ Lors d’une soirée de prière, une jeune fille commence à se rouler par terre en poussant des cris démoniaques. Aussitôt les autres jeunes se mettent autour d’elle en priant et invoquant la force de l’Esprit Saint et de Saint Michel.

Attiré par les cris, je rentre dans la salle et vois la scène. Je m’approche de la jeune fille, impose le silence à tout le monde - l’ambiance était vraiment délirante – et lui dis « tais-toi, lève-toi, je te raccompagne à ta chambre ». Elle se tait, se lève un peu groggy. Avec un garçon je la ramène dans sa chambre en la soutenant. Elle s’alonge sur son lit et je lui dis que je vais la bénir avant de lui souhaiter une bonne nuit. Au moment de lui faire le signe de croix sur le front, elle pousse un gémissement « ça brule ». Je lui réponds « je t’ai porté pendant dix minutes sans que tu t’aperçoives de quoi que ce soit et maintenant ça brulerai?»

Le lendemain, j’ai pu discuter avec elle. Elle est sous traitement et faisait une crise d’hystérie. J’en veux aux médecins qui, à la toute première crise, sont allés aussitôt chercher les exorcistes. Elle était persuadée d’être le démon incarné et maudite. Je crois profondément au diable et à son action sur les hommes, mais cela demande du discernement.


Septembre 2020

Avec la pandémie, j’ai tristement fait un voyage direct vers la France, sans m’arrêter comme à l’habitude dans un pays africain placé sur le trajet.

En France j’ai eu droit à un magnifique accueil dans différentes paroisses :

Le 30/08 à Saint Michel de Brest par l’abbé de Servigny

La semaine suivante, il a fallu gérer un palu rapporté du Bénin. Trois jours d’hospitalisation et la joie d’être une star : les médecins venaient voir « le cas palu »

Le 13/09 à Saint Antoine du Chesnay par le Père Grégoire de Maintenant

Le 20/09 à Saint-Georges de Lyon par l’Abbé Hugues de Montjoye

Le 27/09 à Saint-Symphorien de Versailles par le Père Yves Genouville

Le 04/10 à Saint-Lubin de Rambouillet par le Père Amaury Sartorius

Un immense merci à toutes ces communautés pour l’accueil et l’intérêt qu’elles ont montré pour mon apostolat au Bénin. Merci pour leur prière et leur générosité.

Un merci spécial à tous mes frères prêtres qui m’ont accueilli. Il n’est pas toujours facile de recevoir un confrère, surtout quand celui vient « détourner » à son profit les subsides des fidèles. J’ai vraiment expérimenté l’amitié sacerdotale. Quelle chance d’avoir de tels amis. L’Eglise est belle.

Octobre 2020

Puis retour au Bénin avec un petit moment de stress en arrivant sur le tarmac à Cotonou. Tous les passagers sont dirigés vers une immense tente où sont effectué les tests covid. Au bout d’un quart d’heure on m’appelle devant un médecin, on me prend mon passeport et on m’explique que j’ai probablement la covid. On me donne des cachets de chloroquine et d'azithromycine à prendre aussitôt et pendant trois jours en attendant les résultats définitifs. Je suis conduit en dehors de l’aéroport sans passer par la douane.

Heureusement deux jours après le résultat est négatif. Récupération du passeport et retour à Parakou pour une nouvelle année pastorale.


Novembre 2020

La saison des pluies étant achevée, nous pouvons reprendre les travaux du réfectoire et de la cuisine. Le chantier devrait se terminer fin décembre. Le gros œuvre a été fini avant l’été, reste maintenant les enduits, et toute la décoration.

Vue de face avec les chambres à droite et la clôture vers la chapelle à gauche

Vue de dos


Il reste encore à trouver 24.150 € pour pouvoir achever les travaux.


Le chantier du monastère s’arrêtera là pour moi à la demande de Monseigneur N’Koué. Il est souhaitable maintenant que les sœurs s’installent véritablement dans leur monastère, s’approprient les lieux et évoluent à leur rythme. Je continuerai à aller leur dire la messe tous les jours.

Ma principale occupation cette année sera auprès des mouvements de jeunesse. Outre l’organisation des grands rassemblements diocésains de la jeunesse, Il y a là un grand travail de formation à faire particulièrement pour le scoutisme.

En suivant les directives de l’évêque nous lançons une opération « Jeunesse Missionnaire »

Chaque groupe de jeunes, quel qu’il soit (chorale, lecteur, Jeunesse Etudiante Catholique, Feu Nouveau, Scouts et Guides), doit organiser dans l’année quatre activités dans les domaines suivants :

1 – Une formation à la pratique de l’oraison et l’organisation d’une retraite spirituelle

2 – Une Formation intellectuelle théologique, philosophique, biblique

3 – Une Activité missionnaire concrète (Evangélisation dans la rue, dans un village etc.)

4 – Le Soutient mutuel des jeunes entre eux et des formations pratiques à l’auto-entreprenariat

J’en profite pour remercier tous ceux d’entre vous qui ont pu me fournir des livres pour la jeunesse et du matériel scout. Soyez sûr que les jeunes en feront bon usage.

Pour cet apostolat passionnant auprès de la jeunesse, il est possible de continuer de m’aider puisque aucun financement diocésain ni autre n’a été donné à ce jour. (En spécifiant dans le mot accompagnant le don à l’association Notre-Dame de l’Atacora « Pour l’apostolat de l’abbé Guimon »).

Je termine ce mot en vous disant ma gratitude pour vos prières, vos dons, votre accueil en septembre même si je n’ai pas pu revoir tout le monde.

Que Dieu vous garde dans la joie et vous bénisse.

Abbé Laurent Guimon



Coordonnées de l'Association Notre-Dame de l'Atacora pour faire un don (avec reçu fiscal)




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