Voyage du 10 au 17 octobre 2016
Passant au dessus du Sénégal en avion, j'ai vu de la lumière et ai fait une petite escale d'une semaine.
Un pays étonnant. Des rencontres exceptionnelles. La joie de revoir des paroissiens de Notre-Dame des Armées.
Lundi 10 octobre 2016
Départ pour l’Afrique avec le projet de faire une escale d’une semaine au Sénégal pour y rencontrer des anciens paroissiens de Notre-Dame des Armées et visiter le pays.
Arrivé à Dakar à 22h, je suis accueilli par B.C. qui m’emmène à la base militaire française.
Mardi 11 octobre 2016
Visite de la cathédrale de Dakar
puis de l’Ile de Gorée, petite ville mémorielle de l’histoire de la traite négrière. Au sommet de l’Ile se trouvent des canons (lieu du tournage du film « Les Canons de Navaronne ») et des rastas cultivateurs de baobabs, artistes et fumeurs d’herbe. J’assiste à une démonstration de peinture sur sable.
Retour en « bateau bleu ». Ça change à peine de Versailles où des filles en uniforme prennent le train pour Saint Cloud. Là il s’agit d’un bateau entier qui est envahi par les filles du lycée d’excellence Mariama Bâ de Gorée, toutes en jupes bleues. La jeune fille à côté de moi lit studieusement « Vol de Nuit » de Saint-Exupéry.
L’après-midi, rencontre avec l’archevêque de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye. Très belle discussion sur le besoin de silence dans la liturgie. Les Sénégalais aiment se retrouver en communauté et c’est leur force, mais ils ne se rendent pas suffisamment compte que le dynamisme d’une communauté s’appuie sur la force de chacun et donc de sa vie intérieure et de la pratique de l’oraison. Surtout l’idée de faire quelque chose seul et a fortiori de prier seul ne leur vient même pas à l’idée.
Petite histoire illustrant le rapport au silence entre un Européen et un Sénégalais :
« Dans une communauté religieuse de Dakar, un blanc rentre de sa journée, prend une chaise et va s’installer au fond du parc seul pour souffler. Un frère sénégalais arrive, voit son confrère, prend une chaise et va s’installer juste à côté. Le blanc sans rien dire reprend sa chaise et va s’assoir plus loin seul, le noir vient s’installer à côté de lui. Le blanc fini par exploser de colère : j’aimerai rester seul, j’ai pris une chaise pour me mettre à l’écart. Le noir répond : j’ai pris une chaise et je me suis mis à côté de toi parce que tu étais seul ».
Discussion aussi sur l’islam. Il est très dur de convertir un musulman. Au Sénégal les confréries sont très puissantes et font pression sur les chrétiens pour les obliger à apostasier. Les raisons principales sont le mariage, l’accès à la propriété, le travail. Cette année Mgr Benjamin a fait faire un sondage sur les paroisses de Dakar ; plus de 300 apostats ont été identifiés. Il a alors écrit une lettre pastorale exhortant au retour dans l’Eglise catholique à la suite de laquelle 20 personnes sont revenues aujourd’hui dans le sein de l’Eglise. La situation est très dure pour les catholiques au Sénégal (5% d’après l’Etat ; 12 % en réalité). A Saint-Louis (ville du nord) un jeune peul a reçu le baptême, 15 jours plus tard il a été retrouvé mort dans le fleuve. Il y a actuellement une grosse pression pour que les filles musulmanes viennent avec le voile dans les écoles catholiques (99 % des enfants scolarisés en écoles catholiques sont musulmans). Ainsi à Saint-Louis toujours, la police a convoqué les professeurs des écoles catholique pour les obliger à accepter que les élèves musulmanes portent le voile à l’école.
Mercredi 12 octobre 2016
Départ pour Saint-Louis en taxi-brousse (Peugeot 304, 1 chauffeur, 7 passagers, on part quand la voiture est pleine). Je suis le dernier et me retrouve coincé au milieu sur la troisième banquette. 4 heure de route, c’est long avec les jambes repliées.
Arrivée à Saint-Louis vers 13h, retrouvailles avec la famille P. Un cadre de vie magnifique. Des passionnés du Sénégal et de sa faune !
Déjeuner dans une crêperie avec des vraies crêpes bretonnes préparées et servies par Hervé, un Béninois qui a fait des études commerciales en France.
Visite de l’Ile Saint-Louis avec F.P. Ancienne capitale de l’Afrique Occidentale Française (avant Dakar capitale du Sénégal et Nouakchott capitale de Mauritanie), c’est une vielle ville coloniale majestueuse qui tombe en ruines. Grâce à F., nous parcourons les rues bien droites, montons sur les toits, visitons la seule mosquée qui possède une cloche pour appeler à la prière (imposé à l’époque par l’administration française) et contemplons cette vieille ville endormie. Moment de nostalgie en prenant un café à l’hôtel de la Poste où se reposaient Mermoz et Saint-Exupéry avant de repartir porter le courrier. Le lendemain je continue la visite avec le Père Ferdinand, curé de la cathédrale, et un séminariste.
Passage sur la Langue de Barbarie, et découverte de la population très caractéristique. Ils ont leurs propres lois, tirent une richesse immense de la pêche (la presqu’île est couverte d’usines de glace et de banques) et pourtant ils vivent dans une grande misère. Ils construisent à la main leurs grandes pirogues de pêche. On compte 5000 personnes par km². Marche jusqu’au bout de la presqu’ile et découverte de plages magnifiques. Moment d’émotion devant les vestiges de l’hydrobase d’où se faisait le départ pour les Amériques. Stèle souvenir de Mermoz.
Le soir je découvre la magnifique maison de la famille P. Dans le jardin on trouve de superbes arbres fruitiers, un veau, des canards et des moutons. Une très belle soirée avec les P. et leur curé, le Père Ferdinand.
Jeudi 13 octobre 2016
Grâce à F.P., je peux aller visiter Savoigne, petit village à majorité catholique. Le Père Emmanuel Zanaboni, missionnaire italien, y a construit un atelier de sculpture. Une grande église est en construction.
Puis visite de l’entreprise rizicole Compagnie Agricole Saint-Louis où travaille F.P. C’est un projet magnifique. Aujourd’hui 1000 hectares sont déjà aménagés, avec tout un jeu de canaux d’approvisionnement et d’évacuation de l’eau à partir du fleuve Sénégal. Il reste encore à installer 3000 ha. Le projet fait rêver et voir F.P. diriger ses équipes est un grand moment.
Le soir en retournant à Saint-Louis nous sommes bloqués sur la route par un feu de branchages. Les hommes semblent furieux. F.P. bloque la voiture, fait vite demi-tour et nous passons par une longue piste pour rentrer. On aperçoit une multitude d’oiseaux, de coyotes, de phacochères. L’Afrique fait rêver.
Vendredi 14 octobre 2016
Départ en taxi-brousse pour Thies. Un pneu de la voiture éclate. Personne ne s’inquiète plus que cela, nous descendons sur le bas-côté, le chauffeur change la roue puis repart. Je descends en bordure de route à Cindia et prends un taxi pour les derniers kilomètres. Arrivée à Popenguine à 17h. Le Père Marie-Jean de la communauté Saint-Jean me reçoit et me fait visiter le plus grand lieu de pèlerinage catholique au Sénégal. Le jour de la Pentecôte il faut compter 60 000 communions.
Il me donne quelques conseils pour ma future mission : « Un blanc pose toujours des questions, on veut tout savoir tout de suite. L’Africain répond : tais-toi et observe, tu auras les réponses. »
Puis retour en tata (bus où l’on est compressé les uns sur les autres) et en taxi-brousse à Dakar.
Je retrouve la famille C. à la base militaire française.
Samedi 15 octobre 2016
Le Père Louis-Marie, carme de Kaolak à 220 kms à l’Est de Dakar, qui avait prêché des retraites carmélitaines à Notre-Dame des Armées, est aussi de passage chez les C. Un très bon moment.
A midi déjeuner avec un militaire passionné de l’Afrique. « Il faut aller au rythme de l’Afrique. On a l’ouvrier et l’ingénieur mais on manque d’un corps intermédiaire : le chef de travaux, le chef d’atelier. Il faut penser « au jour d’après » : pourquoi former des bacheliers si après il n’y a rien ? »
L’après-midi visite du Phare des Mamelles surplombant Dakar. Petite photo en passant pour encourager la « manif » du lendemain à Paris. On Ne Lâche Rien !
Dimanche 16 octobre 2016
Départ pour l’abbaye de Keur Moussa. Les chants sont très beaux et très priants. Dom Cata a fait tout un arrangement avec un mélange de rythme grégorien et africain, accompagné par la kora, genre de harpe sénégalaise.
A la fin de la messe la porterie grouille de monde, on se croirait au Barroux ou à Fontgombault.
Je parle avec frère Maxime qui est béninois et surtout fils d’un roi.
Déjeuner sur les bords de la Somone. C’est encore un petit coin de paradis. Baignade en se laissant emporter par le courant de la rivière, puis dans les rouleaux des vagues. Autour de nous se prélassent quelques pélicans. Retour à Dakar. Quelle belle journée encore !
Lundi 17 Octobre 2016
Le poissonnier passe et vend des lottes. Il les prépare sur place.
A midi nous déjeunons avec Marie-Etienne, la « fatou » de la maison. Elle est catholique.
Elle me donne encore quelques conseils :
« Poser des questions tout le temps est la grosse erreur du blanc. Quand il en pose trop, l’Africain répond n’importe quoi. Si les questions sont fermées, trop directives, l’Africain acquiesce pour faire plaisir. En fait l’Africain ne répond pas quand le blanc n’écoute pas. Il faut toujours poser des questions ouvertes qui laissent la possibilité de vraiment répondre.
Il est malpoli pour un jeune de regarder directement en face son aîné. C’est donc à l’aîné d’inviter le jeune à le regarder. »
Départ pour l’aéroport de Dakar. Vol avec Air Côte d’Ivoire, escale à Abidjan et arrivée à Cotonou à 23h. C’est l’arrivée au Bénin !
Un grand merci aux P. et au C. qui m'ont magnifiquement accueilli au Sénégal pendant cette semaine
Tout en union de prières avec chacun de vous. Amitiés.
abLG