Chers tous,
Avec quelques nouvelles, recevez ici tous mes voeux pour la nouvelle année.
Avec le mois de décembre arrive l’harmattan.
L'harmattan est, au Sahara et en Afrique Centrale et de l'Ouest, un vent du Nord-Est, très chaud le jour, plus froid la nuit, très sec et surtout chargé de poussière.Parcourant de grandes distances au-dessus des étendues désertiques, ce vent sec se charge petit à petit de fines particules de sable et de poussière surchauffées en journée. Lorsque son intensité est très forte, c'est lui qui crée ces vents de sable dont les plus intenses peuvent limiter la visibilité à quelques mètres.
A Parakou, les températures par temps d'harmattan deviennent (pour un béninois) glaciales baissant la nuit jusqu’à 19°C. Dans la journée on reste heureusement à 35°C. Tous mes confrères tombent malades à cause de la fraîcheur des températures et prennent tisanes et miel pour guérir. Le matin les gens sortent avec leur manteau et leur bonnet.
Mais actuellement Parakou est « la ville de la poussière » non seulement à cause de l’harmattan, mais aussi parce que tous les grands axes routiers sont en train d’être refaits en même temps. Parakou est une ville de transit vers le Niger et le Burkina. Des énormes camions - les Titans - passent en permanence. La poussière est multipliée par 50. Quand je me promène en moto, je rentre couleur marron.
Un troisième élément rajoute encore de la poussière et de la désolation cette année. Le gouvernement béninois a décidé de libérer tous les espaces publics le 31 décembre. On appelle cela le « déguerpissage ». Au cours des années une multitude de petits vendeurs s’était installée sur les espaces publics libres, en construisant de petites échoppes avec les moyens du bord.
Tout ce qui devait disparaître a été marqué d’une croix six mois auparavant. Le 2 janvier les bulldozers sont passés partout détruire ce qui restait.
Conséquences pratiques de la présence de cette poussière dans la vie de tous les jours : chacun se promène avec un chiffon dans la poche car, avant de prendre la moto, de s’assoir à l’église ou n’importe où, il faut essuyer le banc, les accoudoirs, le prie-Dieu, sinon on se retrouve avec le postérieur, les mains et les genoux salis. Je lave ma soutane tous les deux jours (et je me fais faire des soutanes marrons, la ruse). Pour mettre la table, on retourne les verres et les assiettes et on recouvre tous les plats par un linge pour ne pas manger de sable. Toutes les semaines je balaye sol, murs, plafond et fenêtres. Le bureau supportant mon ordinateur est recouvert d’un grand drap.
J’admire que tous soient si bien habillés et si propres en réalisant la difficulté et l’énergie que cela demande.
Et dans ce contexte, arrivent les fêtes de fin d’année.
21 décembre 2016
Mes confrères m’ont souhaité un joyeux anniversaire, avec un superbe gâteau.
Et les sœurs ont préparé ce jour-là un croissant géant.
25 décembre 2016
Il n’y a pas beaucoup de décorations ni de traditions pour Noël.
La décoration de l’église et la crèche se font le 24 et seront retirées le lendemain de l’Epiphanie.
J’avais offert le Petit Jésus (cf. lettre n°3). La sœur a confectionné les Marie et Joseph « béninois ». C’est vraiment l’inculturation de la Foi.
Ce fut un très beau Noël, tout simple. Avec les « petits », chers au cœur de Jésus.
(en jaune, les petites orphelines recueillies par les sœurs, en marron les filles du gardien du monastère qui n’ont encore jamais été scolarisées.)
On a fêté Noël très dignement.
J’ai reçu de magnifiques cadeaux
Il y a même eu la bûche de Noël
Il y a bien au Bénin une tradition propre à Noël mais il faut penser que le diocèse célèbrera ses 75 ans d’évangélisation en 2020. Donc la tradition est plutôt récente et me semble plutôt être un genre de syncrétisme entre le protestantisme américain et les religions traditionnelles. C’est un peu un mélange d’Halloween et de Vaudou. Les enfants déguisés en génies viennent chanter des chants de Noël pour récolter des bonbons, un peu d’argent et même un repas s’ils ont faim.
A gauche se trouve le génie du bien, Kaliba (le masque), et accroupi au centre, recouvert d’une bassine (il paraît que cela fait épouvantail), le génie du mal. Les autres garçons forment un orchestre avec des instruments de fortune.
26 décembre 2016
Les jours qui ont suivi Noël, j’en ai profité pour accompagner un confrère dans une de ses « stations » en brousse. Il a célébré la messe de Noël tous les jours pendant une semaine dans cette sorte d’église pour que toutes les communautés les plus éloignées en brousse puissent fêter la naissance du Sauveur.
Puisque c’était un grand jour de fête, les fidèles ont préparé un bon repas.
Délicieux et même meilleur en mangeant sans assiette et sans couverts.
Ils avaient pour ce jour-là loué une sono. C’était la modernité qui arrivait dans la brousse.
Les enfants se prenaient la pose devant les baffles comme des stars du show-biz.
28 décembre 2016
Quelques jours après un prêtre fêtait ses 25 ans d’ordination.
Curé de Boko où le monastère est implanté, il est de l’ethnie Bariba majoritaire au nord de Parakou.
C’est un peuple noble avec beaucoup de traditions.
Lui-même avait revêtu l’habit du guerrier Bariba.
Il y avait les trompettes de cuivre traditionnelles Guèssèrrè, utilisées pour les grandes occasions. Il faut être de sexe masculin et descendant de la classe des Kirikou pour pouvoir en jouer.
Et les danses
Face aux artistes, une jeune fille dansait avec un miroir dans les mains. J’en ai eu l’explication : les Baribas aiment se regarder quand ils dansent. Comme il n’y avait pas de grand miroir, on a trouvé une solution de remplacement.
Pendant ce temps les enfants s’amusent au jeu le plus répandu ici : le cerceau.
Dimanche 8 janvier 2017, solennité de l’Epiphanie.
Célébrant la messe pour les sœurs, j’ai eu la surprise à la fin de la lecture de l’Evangile de voir un ange pénétrer dans la chapelle et me remettre un petit mot : « Les Rois Mages viendront offrir leurs présents à l’Enfant Jésus au début de l’offertoire ».
Et effectivement, j’ai vu les trois Rois Mages venir se prosterner devant la crèche et offrir très dignement l’or, l’encens et la myrrhe. L’ange monté sur une chaise criait de temps en temps « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux ». A sa suite toute la communauté des sœurs est venue se prosterner.
(Remarquez le changement de costume de St Joseph et de la Vierge Marie)
Le challenge a été d’expliquer la tradition française de la galette des rois.
Ça n’a pas mal marché. Galette fourrée à la noix de coco à défaut de frangipane, tirage au sort en envoyant la plus jeune sous la table, découverte de la fève et couronnement.
10 janvier 2017
C’est un jour de fête officielle au Bénin des religions endogènes (culte du Fâ, Vaudu, etc).
L’évêque de Parakou a placé là le grand pèlerinage diocésain à Notre-Dame de Komighéa.
Il « remercie bien les autorités béninoises de donner ce jour de congé pour faire un beau pèlerinage à la Sainte Vierge. Toute culture a besoin d’être évangélisée. C’est l’Evangile qui permettra de mettre en valeur ce qui est bon dans la culture et de rejeter ce qui est mauvais ».
C’est le roi Bariba du village de Komighéa, musulman, qui a donné le terrain à l’évêque pour construire le sanctuaire marial.
Pour l’instant il n’y a que des préaux.
La Sainte Vierge, Notre-Dame de la Famille, est une femme Bariba
13 janvier 2017
Je « planche » longuement sur des croquis pour le futur monastère. J’ai pu aller visiter Notre-Dame de l’Ecoute à Natitingou (fondation de Jouques) et Notre-Dame de l’Etoile à Komighéa (fondation de Belfontaine) et voir ce qui est indispensable pour la construction.
Normalement le forage et la construction du château d’eau commencent à la fin du mois.
Avec toute mon amitié. Je compte bien sur vos prières et vous bénis.