La vie au Bénin suit son cours. Je m’acclimate petit à petit et pratique les usages locaux pour le transport. Des familles circulent bien souvent à 6 sur la même moto !
Allant régulièrement sur le chantier du monastère, j’ai aussi davantage de contacts avec la population. Je découvre la vie au quotidien et quelques histoires bien tristes.
- Dans le village, un garçon de 21 ans vient de kidnapper une petite fille de 13 ans pour en faire sa femme. Avec trois amis, il l’a enlevée et ramenée dans la maisonnette où vivent ses parents avec leurs 9 enfants ( ci-dessous, la maison).
Il s’agit de la coutume d’une des ethnies du nord-ouest du Bénin. Il y a probablement un lien éloigné de famille. En fait le jeune homme ne fait que récupérer son bien : une femme de sa famille, sa tante, a probablement été autrefois kidnappée par l’autre famille. De plus, pour enlever cette fille, il y a probablement eu l’accord d’une personne de sa famille, le père ou un grand frère.
Cette petite de 13 ans était en 6e et réussissait bien. Le garçon, qui vend de l’essence de contrebande en bord de route, a préféré l’enlever maintenant de peur qu’elle ne devienne une intellectuelle et le refuse plus tard.
Après discussion, la fille affirme qu’elle n’aime pas le garçon, qu’elle voulait continuer ses études et pourtant je la vois résignée, elle n’a pas le choix.
Les religieuses et le curé de la paroisse sont en train de raisonner les deux familles, pourtant catholiques, pour leur faire comprendre qu’enlever une fille pour un mariage, ce n’est pas possible.
Au séminaire nous avions étudié le cas du rapt qui invalidait le mariage religieux. Cela paraissait bien théorique. Le christianisme est vraiment une lumière pour les consciences.
- Il y a aussi cette petite fille de 9 ans brûlée au 3e degré. Les voisins ont persuadé la maman de la conduire chez un charlatan, un guérisseur local. La pauvre enfant a souffert terriblement pendant une semaine avant de mourir. La maman regrette profondément de ne pas l’avoir conduite à l’hôpital. J’essaye de consoler la maman mais en même temps je suis en colère contre toutes ces superstitions.
En ce qui concerne la construction du monastère de Boko, le château d’eau est bientôt terminé. On va maintenant laisser sécher la structure pendant deux mois, avant d’installer la cuve de 30 m3.
Mardi gras 28 février 2017 - La ferme de Ténorou
De manière à bien se préparer au carême, la petite équipe des prêtres qui logent à la Procure avec moi est partie fêter le mardi gras à 50 km de Parakou, à la ferme de Ténorou, à l’est du diocèse et à 5 km de la frontière du Nigéria.
Il faut suivre la piste pendant 2h30 pour y arriver.
Et c’est par cette piste que passe toute la contrebande d’essence et autres produits du Nigéria.
Là-bas, bien que nous soyons encore au Bénin, le franc CFA n’a plus cours et tous les échanges se font en naira.
Dans cet endroit désertique, situé loin de tout, c’est le chef de terre local qui a offert 600 hectares à l’évêque. Il sait que ce dernier est le seul à pouvoir aménager le terrain au profit de la population. Il y a deux ans, il n’y avait aucune case ni même de campement, tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’eau. L’évêque a fait faire un forage, un château d’eau, un barrage pour retenir l’eau de la saison des pluies, et une petite construction pour y loger deux prêtres. Aujourd’hui plusieurs familles de Peul sont arrivées. Là où il y a l’eau, il y a la vie. Nous visitons les alentours de la ferme et le barrage.
Les enfants surtout étaient subjugués de voir un Blanc (pendant le repas qui a suivi tout un groupe est resté à m’observer).
Les hommes viennent au barrage pour y faire boire les bêtes.
Les femmes pour la lessive, la vaisselle, la toilette.
Près de la petite ferme où sont installés nos confrères, je découvre la « cabine téléphonique ». En fait c’est le seul lieu où le réseau téléphonique passe un peu. Une tablette a été installée pour pouvoir prendre des notes.
Quelques jeunes filles peul restent près de la maison. Des efforts sont faits pour essayer de communiquer avec elles, mais elles restent très distantes tout en étant curieuses.
Les deux prêtres installés là font vraiment une première évangélisation. Quand ils sont arrivés, la population les appelait « Barrage » en raison de la nouvelle construction. Il a fallu expliquer que c’était « Mon Père ». La question qui turlupine les autochtones est l’absence des femmes dans cette maison. Il faut tout expliquer, il faut évangéliser.
Les deux prêtres qui sont là se sont formés pendant deux ans aux techniques agro-pastorales et ont choisi ce lieu de mission. Avant eux, c’était les missionnaires blancs qui exerçaient ce genre d’apostolat difficile, loin de tout. Aujourd’hui ce sont les prêtres diocésains eux-mêmes qui deviennent missionnaires.
Mars 2017 - le carême
Le carême est vécu intensément partout.
Voici un petit chant de circonstance exécuté avec beaucoup de conviction par les enfants
Le point d’orgue chaque semaine est le Chemin de Croix, très suivi par la population.
Je suis allé en brousse donner des conférences de carême pour aider un confrère.
C’est aussi le moment où nous confessons beaucoup. Chaque fidèle vient alors avec son carnet de catholicité sur lequel sont indiqués les sacrements et plus particulièrement la confession (que je dois signer après chaque confession) et la communion pascale. Quant au denier du culte seul le curé est habilité à signer car on ne rigole pas avec ces choses-là. Ainsi chaque curé sait qui pratique dans sa paroisse.
A titre d’indication chaque enfant est tenu de donner 500 F CFA (soit 80 centimes d’euro), les femmes 1 000 F CFA et les hommes 2 000 F CFA. Les enfants prennent sur l’argent de leurs repas pour payer eux-mêmes leur denier du culte.
Pour donner un peu une idée du niveau de vie, le revenu moyen d’un instituteur de l’école catholique est de 30 000 F CFA /mois soit 45 €/mois
Mars 2017 - Les kermesses paroissiales
Le carême est aussi le temps des grandes kermesses paroissiales. Le jour il fait 40°, le soleil est au zénith et la température monte. Le mois de juin est trop incertain à cause de la saison des pluies.
Cela ressemble beaucoup à nos kermesses : buffet-barbecue : porc au four, akassa, igname pilé.
Et de magnifiques beignets appelés « yovo doko », littéralement le « beignet du Blanc », car ils sont faits avec de la farine de blé.
Il y aussi le « sel du Blanc » : c’est le sucre. Le goût sucré existe bien ici mais il n’y avait aucun produit comme notre sucre avant l’arrivée des Blancs.
Stand de jeux pour les enfants : manger un gâteau le plus rapidement possible, couper la corde, tirer au but.
Mais le sommet est la vente du verre d’eau. C’est à qui enchérira pour partir avec le verre d’eau fraîche. Ici la kermesse du séminaire de Gabaka dirigé par l’abbé Denis Le Pivain : le verre d’eau est parti à 850 000 F CFA soit 1 300 € !
Tout en union de prière pour la fin du carême et pour la préparation à Pâques
Avec toute mon amitié et ma bénédiction.
Abbé Laurent Guimon
A noter :
23 avril 2017 - Distribution de dépliant et Vente aux sorties de messes à Notre-Dame des Armées :
Les fidèles pourront se procurer des produits venant du monastère de Boko : beurre de karité, cartes des proverbes africains, tissus religieux (je mets au défit de coudre des pagnes et de les porter à Versailles - cf la lettre n°2 La Toussaint), cacahuètes sucrées etc.