top of page

n°7 Le printemps à Parakou

J’aurais aimé vous dire « en union de canicule » après trois mois passés à 38° ou 40° tous les jours, mais les pluies sont arrivées et l’air est maintenant plus frais. En journée nous n’avons plus que 32°. Le matin il fait un petit froid de 23°, il faut se couvrir d’un bon pull.

Les pluies tombent très brusquement et font déborder tous les caniveaux. Tout le monde disparaît le temps de l’averse.

A la suite des premières pluies, il n’a pas fallu plus d’une semaine pour que la nature explose de vie. La terre aride se couvre d’herbe, les arbres poussiéreux redeviennent verts, les fleurs s’épanouissent.

Cependant, ces pluies intenses entraînent l’érosion des voies, des creux se forment. Faire de la moto devient un exercice d’équilibre.

16 avril 2017. Les fêtes de Pâques ont été très belles et en même temps très sobres. Il y avait juste les sœurs et moi.

Lors des cours de grégorien donnés aux sœurs deux fois par semaine, nous avions travaillé le Haec Dies, le Victimae Paschali laudes et le kyriale de Pâques. On était presque à Notre-Dame des Armées !

27 – 29 avril 2017 J’ai pu faire un stage de formation en apiculture pour m’occuper des ruches du monastère. Passionnant et un régal !

1er mai 2017. Les sœurs voulaient apprendre à faire de la cuisine française. N’étant pas très courageux dans ce domaine, je leur ai proposé de faire un flan à la noix de coco. Chacun fait ce qu’il peut !

23 mai 2017. Les sœurs ont fait une magnifique procession pour les Rogations sur le terrain du futur monastère. Les trois jours qui précèdent l’Ascension, il est traditionnel d’aller bénir les champs pour demander d’être préservé des malheurs et d’avoir des récoltes fructueuses.

18 juin 2017. Nous avons fait la procession de la Fête-Dieu dans le petit jardin de la maison que les sœurs habitent actuellement à Parakou. A Versailles, les petits enfants jettent des pétales devant le Saint Sacrement, ici les enfants et les sœurs jettent les pétales sur l’ostensoir porté par le prêtre. A la fin de la procession je ressemblais à un énorme bouquet de fleurs.

La Fête Dieu étant la fête par excellence des Contemplatives de Jésus Eucharistie, nous avons continué celle-ci joyeusement.

Les travaux du monastère :

Les constructions avancent. Le château d’eau est presque terminé. Les 12 chambres sont aussi en phase d’être terminées.

Merci infiniment pour vos dons qui ont permis de bien avancer ces projets.

En urgence, je fais poser des petits murets de 1m sur 1m, tous les 50 m le long du périmètre de la propriété (2.800m) pour la délimiter. Ici, tout ce qui n’est pas clôturé appartient à tout le monde. Des paysans du coin ont tout simplement créé leurs champs sur le terrain des sœurs. Ne parlons pas des manguiers et autres arbres fruitiers implantés sur le terrain ; on ne voit jamais leurs fruits si ce n’est en vente sur le bord de la route. La difficulté est que si la personne cultive et plante des arbres, le terrain lui appartient. Les Peuls sillonnent tout le terrain pour faire paître leurs troupeaux de bœufs.

Il faut savoir que les premiers titres de propriété ont été délivrés en 2004. Avant, il y avait le « chef de terre ». Quand un étranger arrivait, il s’installait où il y avait de la place et au bout d’un certain temps il était acquis qu’il était chez lui.

Les querelles pour les titres fonciers sont incessantes. Le nouveau propriétaire de la parcelle achetée légalement doit faire face aux prétendus propriétaires coutumiers. Des histoires sans fin.

Et encore, le Nord Bénin est avantagé par rapport au Sud. Là-bas les terres ont été confisquées au moment de la période communiste. Aujourd’hui il y a donc les propriétaires coutumiers, les propriétaires d’avant la révolution dont la terre a été confisquée, les propriétaires d’après la révolution. Sur chaque parcelle, il y a au moins 3 prétendants qui se pensent légitimes.

Il y a aussi la magie qui complique les affaires.

Lors d’une rencontre sur le terrain de Boko avec un squatteur qui voulait bien quitter le terrain des sœurs à condition que les sœurs lui rachètent « son » emplacement, le ton est monté et il a proféré des menaces d’ensorcellement. Le gardien des sœurs et le jardinier ont croisé un serpent sur le chemin juste après cet entretien : c’est pour eux la preuve que cet homme a fait alliance avec des esprit mauvais et qu’il va leur nuire. Ils n’osent plus rien dire ni faire contre cet homme.

Il a fallu aller voir le roi du village, qui a bien traité l’affaire mais nous demande de marquer le terrain pour éviter des contestations futures.

Donc, en attendant le budget pour faire un grand mur d’enceinte, je dispose des petits murets tout le long du périmètre.

Petites scènes de la vie ordinaire au Bénin :

  • Au Bénin tout est religieux, et il y a particulièrement un sentiment de profond respect pour le clergé catholique.

Circulant un jour en voiture, je me fais arrêter par la police. Je sors de la voiture. « - Non, non, restez dans la voiture. Alors mon Père, vous allez bien ? - Oui merci, vous voulez voir les papiers ? – Non, ce n’est pas la peine, on voulait juste une bénédiction ». Ce que j’ai fait avant de reprendre la route.

Et justement le nonce apostolique au Bénin nous demandait de ne pas abuser de ce respect privilégié et illustrait son propos par l’histoire suivante : un prêtre et un pasteur se font contrôler par la police. Au prêtre : « Allez-y mon Père, c’est bon », sans vérifier les papiers. Le pasteur, lui, subit un contrôle complet. Il se plaint : « Pourquoi me contrôlez-vous alors que vous avez laissé passer le prêtre ? » Le policier rappelle le prêtre : « Mon Père, désolé, montrez-moi vos papiers ». Tout était en ordre ; même contrôle pour le pasteur à qui il manquait plusieurs choses. Le policier reprend en s’adressant au pasteur : « Vous voyez, c’est exactement pour cela : les prêtres catholiques ont toujours leurs papiers en règle, les autres il faut vérifier ».

Quand je suis allé chercher ma carte de résident au bureau de l’immigration, il y avait une grande queue. L’officier responsable m’a aussitôt repéré et m’a fait passer devant tout le monde. En partant il m’a donné des messes à dire et des cierges à déposer devant la Vierge.

  • Les étudiants passent bientôt le bac et révisent avec ardeur.

Le matin vers 5h30 je fais régulièrement un peu de jogging dans les rues de Parakou. Presque sous chaque réverbère, il y a un lycéen avec ses cahiers. Comme il n’y a pas de lumière dans leur maisonnette en tôle, ils révisent dans la grand-rue.

Au mois d’avril, un garçon m’expliquait qu’il devait aller rendre le livre de mathématique à la bibliothèque et emprunter pour une semaine celui de biologie. Il faisait ainsi pour tous les livres scolaires, n’ayant pas les moyens de les acheter.

  • Ici pour jouer à la poupée, les petites filles n’ont pas de poussette …

… car les mamans n’ont pas non plus de poussette. On porte les bébés sur le dos, maintenus par un pagne noué autour de la taille.

  • Les Béninois se préoccupent énormément de l’apparence.

Il y a même un certain orgueil à se croire évolué et, en conséquence, un mépris pour les gens simples.

Lors de ma formation apicole, il y avait de nombreux paysans parlant très mal le français. A côté de moi se tenait un homme bien mis qui essayait de me faire rire en me montrant le peu de culture de ces gens-là.

Il y a même eu à Cotonou ceux qui pratiquaient le parler « hexagonal » c’est-à-dire le parler de France », signe de grande culture. C’est un peu l’équivalent des précieuses ridicules

On ne dit pas moustiquaire mais isoloir anophélique

Souper tablature vespérale sois belle et tais-toi je réclame que ta chair se présente dans ta facticité quelle sensibilité quel conditionnement émotif je t'aime tu es mon objet d'aimance ne bougez pas évitez les métamorphoses posturales

L’évêque, demandant de faire attention à cet esprit précieux et mondain, raconte :

Au cours d’un grand dîner avec beaucoup d’officiels, un homme en beau costume et cravate commence à jeter de la nourriture dans sa manche en criant « prends et mange, prends et mange ».

On lui dit d’arrêter et de s’expliquer : « Tout à l’heure je suis arrivé en chemise et on m’a dit qu’il n’était pas possible d’entrer malgré mon carton d’invitation. Je suis revenu en costume et cravate et là on m’a tout de suite laissé rentrer. Ce n’est pas moi qu’on accueille, c’est mon costume, c’est lui qui a droit au repas. Prends et mange ! ».

Pour terminer l’année scolaire, nous avons fait un petit dîner sympathique avec les confrères et le personnel de la Procure. Au menu : porc braisé, pkété (porc avec une sauce piquante), accompagné d’un bon verre de tchoukoutou (bière de mil).

Essayez de me reconnaître sur la photo. Ce n’est pas évident car j’ai pris l’habit coutumier, je suis devenu béninois !

Avec toute mon amitié et l’assurance de mes prières.

Abbé Laurent Guimon

Petites annonces :

Je serai en France du 11 août au 25 septembre. Tel 06 98 10 40 10

Durant cette période je cherche à emprunter ou à louer une petite voiture. Des idées ?

Pour présenter le projet de construction du monastère de Boko, je serai :

  • à Saint Paterne de Vannes le dimanche 3 septembre,

  • à Saint-Georges de Lyon le dimanche 10 septembre,

  • à Notre-Dame des Armées de Versailles le dimanche 17 septembre.

Ou plutôt, ce jour-là à Versailles, c’est Monseigneur Pascal N’Koué, archevêque de Parakou, qui célèbrera la grand-messe et prêchera.

Le samedi 16 septembre à 20h30 à Notre-Dame des Armées, il donnera une conférence sur le « Renouveau liturgique en Afrique ».

  • A Saint-Germain du Chesnay le dimanche 24 eptembre

You Might Also Like:
bottom of page