Février 2018
Anciens paroissiens de Notre-Dame des Armées, Claire et Arnaud sont à Niamey depuis un an et demi. Nous avons été mutés en même temps. Avant de quitter Versailles je m’étais engagé à leur rendre visite puisque la capitale du Niger est relativement proche de Parakou, soit 600 km en montant tout au nord et 12 heures de car en raison de l’état des routes.
Pour préparer le voyage, il est bon de regarder les conseils sur le site diplomatie.gouv :
« Sécurité au Sahel. La menace d’attentat et d’enlèvement visant des Occidentaux demeure élevée dans la zone sahélienne mais aussi dans les pays limitrophes. Aucune zone ne peut plus désormais être considérée comme totalement sûre.
Il est par conséquent formellement déconseillé de se rendre dans les zones rouges au Mali, au Niger, en Mauritanie mais aussi dans l’ensemble des zones rouges des pays. Les ressortissants français qui se trouveraient dans ces zones doivent savoir que leur sécurité et leur vie sont explicitement et directement menacées. En particulier pour les touristes, aucune personne, aucun groupe, aucune organisation ne peut prétendre garantir leur sécurité… ».
En fait tout va bien, puisqu’à Parakou je suis déjà en zone orange. (voir le Bénin et le Niger en bas au milieu de la carte)
Pour entrer au Niger il faut un visa. J’apprends que le consul du Niger à Parakou est décédé il y a 11 mois et n’a pas encore été remplacé. Je vais devoir descendre à Cotonou pour chercher les autorisations. Heureusement une personne dévouée du consulat m’assure que la chose est toujours possible si je prends un visa d’un an. L’affaire est faite, je reçois mon visa. Celui-ci a bien été signé par le consul 11 mois plus tôt. Il me reste donc juste un mois pour faire le voyage et profiter de ce visa. J’ai fait une petite prière pour ce consul qui a la délicatesse de délivrer des visas post- mortem.
Je prends mon billet de car et c’est parti pour le Niger avec un départ à 2 heures du matin.
Les cars « grandes lignes » sont équipés de 5 sièges en largeur.
A 6 heures du matin nous passons le fleuve Niger qui est la frontière naturelle entre le Bénin et le Niger. Il faut descendre du car, faire les papiers du côté béninois, traverser le pont à pied, faire les papiers du côté nigérien et remonter dans le car.
En préparant le voyage, je découvre la réserve de girafes de Kouré (la seule de l’Afrique de l’Ouest) et décide de m’arrêter sur le trajet de Niamey pour aller les observer.
En descendant du car j’ai mieux compris la surprise du chauffeur lorsque je lui ai demandé de m’arrêter à Kouré : je m’attendais à une petite ville et au moins un petit hôtel mais il y a juste un mini-village de 10 maisonnettes avec un poste de douane.
Il y a aussi l’apatam (un abri circulaire pour les palabres) qui sert de maison des guides du parc des girafes.
Je débarque en annonçant que je viens pour passer la nuit. Tout le monde rigole car il n’y a vraiment rien. Finalement le capitaine des gardes-chasse met à ma disposition son bureau et arrive même à trouver un lit de camp. Le soir il vient partager avec moi la pâte cuisinée par son épouse.
Puis je prends une moto et un guide et nous allons observer les girafes.
Elles sont en complète liberté. J’ai la chance de rencontrer le directeur du zoo de Doué La Fontaine qui est de passage à Kouré. Il encourage et supporte le projet de protection des girafes du Niger.
La population locale vit avec les girafes. Celles-ci -assez gourmandes- font souvent des descentes dans leurs champs. Les agriculteurs reçoivent en échange des compensations et ont compris que cela faisait venir les touristes.
Les habitations et la composition des villages de cette région sont très différents du Bénin.
Les greniers sont plus grands et sur pilotis.
En plein milieu de la brousse je croise une petite famille peule (les Peuls sont des nomades). Le propriétaire du terrain paye pour que le bouvier peul fasse paître ses vaches à cet endroit pendant plusieurs semaines pour fertiliser la terre.
Je découvre une nouvelle gourmandise : de la sève d’arbre solidifiée, un peu amère à sucer, comme un bonbon et de la canne à sucre à mâchouiller pour en extraire le sucre.
Après une bonne nuit dans le bureau du capitaine, une toilette au seau, je prends un petit taxi-brousse pour faire les 60 kms qui me séparent de Niamey.
Je vais d’abord à la cathédrale où je rencontre le jeune vicaire qui me raconte sa vie à Niamey. Il y a seulement deux diocèses au Niger. Celui de Niamey comporte 18 prêtres (presque tous Fidei Donum) qui ont la chance de se retrouver chaque jeudi dans une ambiance très fraternelle à la table de l’évêque.
Ce jeune prêtre a été très marqué par les évènements qui ont suivi la parution des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo en janvier 2015. Son église a été incendiée et il y a eu des manifestations et des violences contre les chrétiens. Les églises sont fermées en permanence, la cathédrale est dans une enceinte fortifiée avec barrage de protection à l’entrée.
Mgr Pascal est assez critique cependant sur l’attitude du clergé nigérien. De son point de vue, ils ne parlent que de social et surtout pas de religion, pour ne pas heurter les musulmans avec une pastorale d’entretien en ne s’occupant que des quelques chrétiens présents, mais pas une pastorale missionnaire. Or ils se font tuer quand même. Autant annoncer clairement la foi en Jésus-Christ, et s’ils mourraient dans un attentat ou une embuscade, ce serait au moins pour une bonne raison (c’est moi qui résume ainsi les propos plus nuancés de l’évêque).
Je rencontre aussi en ville une Petite Sœur de Jésus, qui a dû quitter Agadez plus au nord et revenir dans la capitale en raison des risques importants d’attentats et d’enlèvement.
Je me rends ensuite chez Claire et Arnaud. En approchant du lycée français, je me trouve en face d’une grande barrière de sécurité, de grands murs, de barbelés, tout est très sécurisé.
Les « expats » civils ou militaires ont une vie très contrôlée pour des raisons de sécurité. On ne peut aller dans certains endroits ni sortir seul à l’extérieur de la ville en voiture, il faut obligatoirement un petit convoi.
L’accueil est vraiment familial et sympathique et j’ai la joie de découvrir quelques petits trésors de Niamey :
Le zoo-musée
Avec ses autruches
Ses marabouts. On comprend que le terme ait été repris en Afrique pour désigner le guérisseur et le sage et dans l’armée française pour appeler l’aumônier le « Marab » (appellation propre au Prytanée National Militaire) ou le « Bohut » (dans la marine avec la décomposition sonore de « bout », soit le début et la fin de Marabout).
Il a l’air d’un grand sage et repose sur ses deux pattes bizarrement pliées comme s’il était assis dans un fauteuil.
Ses hippopotames
Son lion : il dort au fond de son antre, mais remarquez la rigole qui mène à la boite de conserve.
Il s’agit de récolter l’urine pour pouvoir la vendre. Vertus en tous genres assurées !
On peut voir aussi un tisserand artisanal
Un cordonnier
Nous entrons dans une petite boutique de relieur, avec un mur vraiment incroyable où se côtoient les Confessions de Saint Augustin, Hélie de Saint Marc, Bigeard et bien d’autres.
Il y aura aussi la photo avec l’indispensable touareg et son chameau
Puis petit circuit en pirogue sur le fleuve Niger au nord de Niamey
Pour aller voir les hippopotames dans leur milieu naturel.
Il y a des morts chaque année, les mères défendant leurs petits contre ceux qui s’approchent trop près.
Arrêt sur la petite île de Kanazi au milieu du fleuve.
Un accueil exceptionnel nous est réservé par les enfants du village (d’où vient le piroguier).
Puis nous reprenons la pirogue pour rentrer à Niamey
Sur le trajet de retour nous passons devant le golfe de Niamey
Le soir, virée sur les dunes à l’extérieur de Niamey pour prendre l’apéritif avec quelques expats très sympathiques.
Sur les dunes, joies de l’ensablement : il faut des plaques pour dégager les voitures. La meilleure solution consiste à rouler très vite pour éviter l’immobilisation (Bravo à Arnaud pour sa dextérité).
Découverte d’un paysage superbe
Un apéritif panoramique
Un grand merci à Claire et à Arnaud pour leur accueil si sympathique et pour m’avoir fait ainsi découvrir les bons endroits et les bons côtés de Niamey. La visite fut rapide avec un goût de trop peu et une grande envie de revenir.
L’orphelinat de Tchatchou
Dans ma lettre de janvier, je lançais un appel afin de récolter des fonds pour remettre en marche le système d’alimentation en eau de l’orphelinat de Tchatchou. Vous avez été particulièrement généreux et cela a permis de financer les travaux qui sont maintenant terminés.
Le forage et la pompe, fonctionnant à l’aide de panneaux solaires, alimentent maintenant l’orphelinat avec une eau claire et pure. Il a fallu refaire une partie de la plomberie de la maison car les tuyaux n’avaient pas servi depuis 3 ans et la mise en eau a révélé de nombreuses fuites.
Le reste de la somme collectée va servir à installer une partie de l’éclairage solaire.
Un immense merci de la part des sœurs et des petits orphelins qui bénéficient très concrètement de votre générosité.
Catéchisme
J’ai commencé un petit cours de catéchisme pour les petites filles qui sont avec les Sœurs Contemplatives de Jésus Eucharistie.
Je prends la petite Bible pour enfants de l’Aide à l’Eglise en Détresse, avec tout simplement les cours que j’utilisais à Versailles pour le CE1.
Je leur donne la feuille en les invitant à colorier… Je n’avais pas pensé à tout. La semaine suivante elles me montrent leurs dessins entièrement coloriés au Bic bleu : elles n’ont jamais eu de crayons de couleur !
Je me suis procuré les crayons. Ça été une grande fête quand les filles les ont reçus et ont pu varier les couleurs, cherchant à comprendre le dessin, le pli des vêtements etc. pour utiliser la bonne couleur. J’ai vraiment l’impression d’apprendre à colorier à des tout-petits
Évangile du Cœur
Juste avant Pâques, l’ensemble du clergé de Parakou avait une journée de récollection. A cette occasion l’évêque m’a demandé de présenter ma petite plaquette pour apprendre l’Evangile par cœur. Il y a eu un très bon accueil, plein de questions et déjà plusieurs paroisses m’ont invité pour lancer les groupes EDC. Deo Gratias.
Dimanche des Rameaux
Au Bénin, toutes les paroisses font une procession pour le dimanche des Rameaux.
Juste avant d’aller célébrer la messe chez les sœurs, j’ai pu assister au rassemblement de la paroisse voisine à 7h du matin (les messes ont lieu très tôt pour éviter la chaleur), la bénédiction des rameaux et le départ de la procession vers l’église paroissiale. Il y a un beau cortège. « Hosanna au fils de David ».
Pâques
Les sœurs Contemplatives de Jésus Eucharistie, n’étant pas encore dans leur monastère, suivent les offices de la Semaine Sainte au sanctuaire de Parakou. N’ayant pas d’obligation particulière, je suis parti célébrer le triduum dans la « station » d'Aladjikpara (petite église de village dans la brousse). Généralement, il y a la paroisse principale dans le gros village du coin et le curé dessert en plus une quinzaine de stations appelées un jour à devenir paroisses elles aussi).
J’ai eu une soixante de fidèles de trois villages des alentours. Une très belle communauté, fervente. Tout était très pauvre et très simple. Nous avons terminé la vigile à 1h du matin puis avons fait la fête avec du tchoucoutou (alcool local) et du porc grillé.
Voici la petite église où j’ai célébré.
Derrière l’enfant qui s’amuse avec son camion, on voit le groupe électrogène qui a servi à illuminer la chapelle.
Le dimanche de Pâques je célébrais pour les sœurs et j’ai tout eu : Vidi aquam, Ressurexit, Kyriale I, Haec dies, Victimae etc…
Lundi de Pâques, "nous partions en Galilée" ! C’est une expression ici et une coutume, où le lendemain de Pâques les paroisses, les communautés, les familles partent pique-niquer et se détendre dans la brousse. Pour les sœurs l’endroit était tout trouvé et nous sommes allés sur le chantier du monastère. Une très belle messe, un très bon repas, des danses africaines louant le Seigneur, et un salut du Saint Sacrement pour terminer. Alléluia.
Les travaux du monastère ?
J’ai déposé plusieurs dossiers pour obtenir des dons et … j’attends l’arrivée des réponses pour pouvoir continuer les travaux. En attendant, je m’occupe de l’entretien : taille des arbres, surveillance des ruches et récoltes du miel. Bientôt va commencer la saison des pluies et la mise en terre des semences, particulièrement des arbres de karité et des anacardiers.
Je vous assure de toutes mes prières à vos intentions et de mon amitié.
Merci pour votre générosité et l’aide que vous apportez aux Sœurs Contemplatives de Jésus-Eucharistie pour la construction de leur monastère.