Chers amis,
Voici quelques nouvelles du Bénin, ce cher pays où il y a toujours des choses surprenantes à découvrir.
A peine rentré, je vois qu’il y a eu des transformations dans le petit village de Boko où se trouve le monastère : une maison de jeu vient d’ouvrir !
« Amusez-vous ici, en jouant à la play-station »
Les femmes sont en train de préparer le fromage de soja. Délicieux.
L’avancée des travaux de la chapelle
Dans ma dernière lettre d’octobre 2019 … Déjà ! - Pardonnez-moi d’avoir tardé à vous donner des nouvelles – j’annonçais l’échéance des travaux de la chapelle pour le 9 janvier 2020.
En effet Monseigneur Pascal N’Koué m’avait demandé de faire en sorte que les Sœurs Contemplatives de Jésus Eucharistie puissent venir s’installer dans le monastère début janvier et y commencer leur vie conventuelle.
Cela voulait dire finir la chapelle et finir une « petite » clôture de 1.200 m entourant 6,5 ha de terrain (sur les 43 ha)
Ce furent donc deux mois de travail intense pour terminer à temps.
Entre le tailleur de pierres qui vole les belles pierres de taille de l’Atacora destinées à la décoration des piliers, le menuisier qui disparaît du jour au lendemain sans terminer le plafond, le peintre qui est pris d’une pulsion subite de tout peindre en rouge foncé au lieu de la délicate teinte rose brique prévue, et tout cela sans parler des finitions très approximatives : j’avais demandé une chapelle, ils m’ont fait une salle de bains ! Et quand je protestais quant à la qualité de finition du travail, ils riaient de me voir aussi tatillon sur des détails : J’avais des murs, un toit, c’est bien le but d’une construction, pourquoi vouloir plus ?
Le crucifix est installé. Il représente le Christ en gloire avec les plaies glorieuses, régnant sur la Croix. C’est un artisan local qui l’a sculpté en imitant la tunique des rois Baribas locaux et en donnant au Christ des traits africains.
L’entrepreneur et ses chefs d’équipes à la fin du chantier
Tout est presque prêt pour la consécration solennelle de la chapelle… Voir quelques photos plus bas.
Pendant que les travaux de la chapelle avançaient, j’ai pu avoir aussi quelques occupations pastorales
1er novembre
La Toussaint est toujours très fêtée au Bénin. L’ensemble des chrétiens de Parakou se rendent au cimetière. Dans un premier temps chaque groupe linguistique prie dans son coin, puis a lieu une grande cérémonie où, après un temps de prière commune, les prêtres vont bénir les tombes. Ça prend tout l’après midi et c’est vraiment édifiant
La fête de la Gaani
La fête de la Gaani est une fête traditionnelle de l'éthie Bariba située sur toute la moitié nord du Bénin. Elle dure deux jours, et est célébrée chaque année à Nikki à 120 kms au nord de Parakou où se trouve le palais du roi des rois Bariba. Elle a lieu le 12ème jour du 3ème mois lunaire du calendrier Bariba, c’est-à-dire en décembre.
Le but de cette fête est de manifester l'allégeance de toutes les familles princières Bariba au Roi
Les Baribas sont un peuple de cavaliers. La fête commence par une immense chevauchée à travers la ville.
La première journée se passe ensuite sur la grand-place où chaque famille vient montrer son importance. C’est une journée d’apparat où l’on manifeste sa richesse et donc son pouvoir.
Les princes distribuent à la foule de l’argent et des pagnes. Des griots les précèdent pour chanter leurs louanges.
Le but de cette procession est d’aller se présenter devant les tambours sacrés, objet de culte dans les religions animistes.
Quand les rois arrivent devant les tambours sacrés, les trompettes sonnent pour les honorer. Cet instrument est réservé exclusivement à manifester la puissance des rois.
Le système politique Bariba est intéressant. Pour prétendre un jour accéder au trône suprême, il faut faire partie de l’une des 7 familles princières. Si la vie politique intéresse un jeune prince, on lui confiera une première mission, s’il réussit une deuxième et petit à petit il montera dans la hiérarchie par sa compétence. A la fin chaque famille propose son prétendant qui est normalement le plus capable (ce n’est donc pas forcément l’ainé ou le plus âgé). Les familles se réunissent et élisent alors le roi des rois
Ce système est donc démocratique avec des grands électeurs mais surtout il est basé sur la compétence. Le règne n’a qu’un temps et il y a régulièrement des élections.
Le moment le plus important de cette journée est la sortie solennelle du roi des rois.
Lui seul a le droit au parasol qui doit tourner en permanence. (On retrouve cet usage chez les catholiques au moment de la procession de la Fête Dieu. Un servant de messe tient le parasol au-dessus du St Sacrement et le tourne en permanence. Cela montre la royauté du Christ)
Pendant ce temps les jeunes font des démonstrations de leur agilité
Devant la case du roi, la gardienne des fétiches se tient le regard hautain et inspiré.
Certains vont présenter leurs hommages à des princes
Les jeunes font des démonstrations de danses traditionnelles. Chez les Baribas, il y a toujours une jeune fille qui tient un miroir en face des danseurs. Ils aiment se voir danser.
Mais c’est le deuxième jour que se passe la cérémonie la plus importante. Chaque famille dans un ordre protocolaire très défini vient se prosterner devant le roi des rois Baribas.
L’ensemble de la famille arrive et se prosterne en s’allongeant sur le sol trois fois de suite en avançant jusqu’à la case du roi. Le chef de famille va alors faire hommage.
La veille, j’ai pu discuter dans la tribune avec un homme en tenue européenne. Il était professeur d’université et travaillait dans un ministère. Il était aussi prince. Ce jour-là je l’ai revu en tenue traditionnelle (rayée noir et blanc) faisant les trois prosternations.
La porte de la case du roi est toute petite pour éviter une intrusion intempestive ou un attentat contre le souverain. On est forcé d’y rentrer à genoux.
Noël à Kpari
« Mes » religieuses n’ayant pas encore déménagé à Boko, je me rends en brousse à Kpari (60 km de Parakou par la piste) pour célébrer Noël. J’y retrouve des religieuses missionnaires argentines : les Esclaves du Sacré Cœur de Jésus. Elles sont quatre et réalisent un travail extraordinaire d’évangélisation dans tous les petits villages de brousse. Leur nom peut surprendre mais en espagnol « esclave » n’a pas le sens aussi fort et péjoratif qu’en français. Par exemple dans la prière de l’Angelus en espagnol on dit « He aquí la esclava del Señor », voici la servante du Seigneur.
La messe de minuit se déroule dans une toute petite chapelle. Les fidèles se serrent les uns contre les autres. C’est tout simple, c’est très beau.
A l’issue, réveillon, en dansant plusieurs heures
Les villageois nous ont préparé un festin : igname pilée avec poulet et sauce arachide. Tous nous piochons directement dans la casserole avec la main.
Tournoi de foot
De façon à marquer le Jubilé nous avons organisé pour les jeunes un tournoi de foot inter-paroissial. Chaque équipe portait le nom d’un des premiers missionnaires du diocèse. A chaque match était faite une présentation succincte du missionnaire des équipes.
Après la finale très sérieuse, il y a eu un match de démonstration entre les consacrés et les jeunes. Nous avons perdu contre les jeunes mais avec panache !
Et à la fin, remise de la coupe et de médailles aux vainqueurs.
Le Jubilé des 75 ans d’évangélisation
Puis le grand jour est arrivé ! L’archidiocèse de Parakou a vécu cinq jours extraordinaires de célébration pour fêter les 75 ans de sa première évangélisation.
Le dernier jour, le 13 janvier (jour du baptême du Christ dans la forme extraordinaire) a eu lieu la consécration de la chapelle du monastère de Boko.
L’évêque consécrateur était Monseigneur Marc Aillet. Né et baptisé à Parakou, son père étant militaire y a fait construire la première cathédrale avec le contingent français. Il est beau de voir que revenant bien des années plus tard, son fils y consacre une église.
Mgr Aillet était assez ému.
Le prélat frappe avec sa crosse sur la porte : « Ouvrez-vous, portes éternelles, laissez entrer le Roi de gloire » et à la foule : « Franchissez la porte du Seigneur, entrez dans la demeure avec des hymnes, rendez-lui grâce et bénissez son nom ».
Au début de la consécration, le prélat asperge l’autel, les murs intérieurs et extérieurs de l’église : « Que Dieu, le Père des miséricordes, soit présent dans cette maison de prière, et par la grâce de l’Esprit Saint, qu’il purifie notre cœur, temple vivant dont il fait sa demeure ».
Vient le moment de mettre les reliques dans l’autel (Ste Claire d’Assise, St Pierre Julien Eymard, St Jean Paul II) Un maçon est là pour sceller les reliques.
L’évêque oint entièrement l’autel de saint chrême (« Christ » en grec, « Messie » en hébreu, signifient « Oint »)
Puis il va oindre les 12 croix sur 12 piliers de l’église qui représentent les 12 apôtres sur lesquels le Christ a fondé son Eglise
L’autel est paré de nappes, les cierges sont allumés.
Le tabernacle est encore ouvert puisqu’il n’a jamais servi. Après la communion il sera bénit et le ciboire y sera déposé.
La première messe est alors célébrée.
Depuis cette cérémonie, la moitié de la communauté s’est installée, le reste rejoindra cet été.
Le Saint Sacrement est exposé en permanence et les sœurs se relaient pour assurer l’adoration (on baisse un petit rideau pendant la messe pour dissimuler le St Sacrement).
Quelques éléments de compréhension du chœur :
-Le crucifix est placé juste au-dessus de l’autel. Quand on entre dans l’église, on voit la pointe du bas de la croix dépasser légèrement dans le cercle où se trouve le Saint Sacrement
Ce cercle symbolise l’hostie bien sûr, mais cette niche symbolise aussi le tombeau : la pierre a été roulée et le Christ en sort rayonnant de gloire.
-Des lumières ont été placées pour projeter l’ombre de deux croix sur le mur. Nous sommes comme au calvaire où le Christ est entouré par les deux larrons.
-Le Saint Sacrement est posé en hauteur. Un mur a été construit pour créer un puit de lumière, des plaques de plexiglas transparent ont été placées sur le toit. Ainsi la lumière naturelle du soleil éclaire l’ostensoir. Quand on se trouve dans la chapelle la lumière semble venir de l’hostie elle-même.
A gauche se trouve la statue de la Sainte Vierge. Elle est la vraie Mère Abbesse du monastère.
Ses pieds reposent sur le tabouret traditionnel typique des rois du royaume du Dahomey : elle est reine.
Les fenêtres à droite donnent sur la clôture des sœurs. Une vitre teintée protège leur intimité.
L’extérieur de la chapelle a été finalisé.
Une croix en fer forgé a été fixée au sommet de la chapelle.
Un coq annonce le jour qui se lève et surtout la Résurrection du matin de Pâques.
Le confinement
Le virus est resté au sud du pays dans la capitale et ne semble pas avoir fait beaucoup de malades.
Est-ce l’habitude du palu et autres maladies tropicales ? En tous les cas au nord, nous n’avons rien eu du tout.
Cependant le gouvernement béninois a pris des mesures drastiques pour le confinement (par prudence certainement et pour recevoir les aides de l’OMS peut-être…). Tous les lieux de culte (églises, temples, mosquées) ont été fermés et le masque est obligatoire.
Mais ici les gens vivent dehors car les maisons en tôle sont étouffantes. Du coup la vie a suivi son cours comme d’habitude, les marchés surpeuplés ont continué, seuls les lieux de culte et les églises ont été fermés.
J’ai eu la chance d’être confiné avec les religieuses et ai pu avoir une belle Semaine Sainte au monastère. Mais la police passait régulièrement vérifier que les portes étaient bien fermées à clé et qu’aucun n’étranger n’assistait aux offices.
Malheureusement toutes les activités avec les jeunes se sont arrêtées. Elles repartent aujourd’hui avec la préparation des camps d’été.
Célébration d’un mariage
Dès le déconfinement officiel j’ai pu célébrer un mariage pour un jeune couple du mouvement « Feu Nouveau ». C’est un peu le mouvement « Missio » français : formation, prière, mission.
Il y a là de nombreux jeunes d’une très belle qualité spirituelle.
Dans un milieu où la polygamie est encore fréquente, où il est normal d’avoir un enfant avant le mariage car il atteste de la fécondité de la femme, c’est un vrai témoignage d’être resté vrai fiancé jusqu’au mariage.
Avant la cérémonie à l’église, il y a le mariage traditionnel : au Bénin l’union conjugale est aussi l’alliance de deux familles. Une dot est apportée à la famille de la fille, chaque membre en reçoit une partie en fonction de son rang. La réception de cette dot les lie contractuellement au couple qu’ils prennent désormais en charge. Cela veut dire qu’en cas de problème dans le couple plus tard, ils devront réunir le conseil de famille et tout faire pour aider le jeune couple à se maintenir.
Dans le courant de l’année (avant le confinement) j’ai pu présenter toutes les facettes du mariage en 8 soirées à plus d’une centaine de jeunes qui réfléchissaient au mariage. Il y a là vraiment une Bonne Nouvelle à transmettre. Les questions de l’égalité homme femme, de la communication dans le couple et de la sexualité et bien sûr de la sacramentalité (l’homme et la femme sont le signe de l’amour du Christ et de l’Eglise) sont des points importants à traiter.
J’ai eu le grand honneur à la réception d’être placé à la table des mariés avec les témoins.
La réception
La cuisine et le réfectoire
Dès la fin des travaux de la chapelle, nous avons entrepris la construction de la cuisine et du réfectoire.
Le gros œuvre a bien avancé, mais nous avons pris du retard avec le confinement.
Voici le lieu fin janvier 2020
et en Mai 2020
Coulage de la dalle du toit avec les moyens du bord. Il faut monter des tonnes de ciment.
La saison des pluies commençant il ne sera plus possible de travailler sérieusement. Aussi nous nous dépêchons de mettre le toit mais tout le travail d’aménagement : crépi, carrelage, électricité, etc. se fera en octobre prochain.
Mille mercis
En terminant cette lettre je voudrais vous remercier mille fois pour votre amitié, vos prières et vos dons qui m’aident dans ma mission. Tout ce que je peux faire ici est grâce à vous et … certainement aussi un peu au Bon Dieu !
Je vais essayer de venir en France au mois de septembre si les règles de quarantaine et de confinement ne sont pas trop contraignantes. J’espère voir beaucoup d’entre vous.
Soyez sûr de mon amitié et de mes prières à toutes vos intentions.
Abbé Laurent Guimon
PS : Il est bien sûr toujours possible d’aider pour la construction du monastère et pour aider mon apostolat auprès des jeunes (il manque à peu près 20 000 € pour terminer le réfectoire)
Si vous faites directement un virement, merci d’en préciser la destination (Monastère, Apostolat des jeunes) et d’envoyer à l’association vos coordonnées car la Banque ne les transmet pas et nous ne savons pas où envoyer le reçu fiscal.